Comme chaque année, c’est noël avant noël : le vendredi fou arrive. Attendu par certain, honni par d’autre, il a quelque chose de fascinant.
Qu’est-ce qui explique son succès continuel ? Pulsion, réflexion et imitation…
Petite analyse, en 7 minutes, à l’émission Sauve qui peut! de Radio-Canada :

En prime, voici la transcription de l’entrevue du site de Radio-Canada (je n’ai édité que mon nom…) :
» Il y a encore une vingtaine d’années, les Canadiens regardaient parfois les reportages américains sur les foules se battant pour un produit pendant les soldes du Black Friday.Et puis, au fil des ans, les grandes bannières canadiennes ont adopté cette tradition venue des États-Unis où l’action de grâce survient en novembre.Sur quel mécanisme de notre comportement de consommateur le Vendredi fou joue-t-il?Pour en discuter, on rejoint dans nos studios du Saguenay, Damien Hallegatte ,professeur de marketing au département des sciences économiques et administratives de l’Université du Québec à Chicoutimi et auteur de l’essai Le piège de la société de consommation.Bonjour.Bonjour.Damien, est-ce que vous êtes un fan du Vendredi fou?
00:19:49Pas vraiment, non.Ça me tape sur les nerfs, mais je le subis comme tout le monde et je constate que ça revient chaque année comme Noël, ça revient chaque année.Mais après Noël arrive, puis là, c’est le fun.
00:20:01Qu’est-ce qui fait que cette tradition américaine se soit mondialisée?
00:20:05En fait, c’est bon pour le commerce.C’est ces fêtes commerciales.Il y a la Saint-Valentin, il y a Pâques, il y a la rentrée.Ça, ce n’est pas une fête, mais c’est plusieurs jours.Il y a Halloween, il y a Noël.Et puis là, on ajoute le vendredi fou qui a commencé à se mondialiser maintenant en Europe depuis une dizaine d’années.C’est sûr que ces fêtes-là, chacune de ces fêtes-là, ça nous conditionne à acheter.En fait, ça crée une sorte de mouvement collectif.Quand c’est mon anniversaire, bon, tout le monde ne le sait pas.Ce n’est pas tout le monde en même temps qui dit qu’il faut acheter.Alors que dans les fêtes qui sont dans le calendrier, toutes les entreprises se coordonnent en même temps pour nous dire c’est le moment d’acheter, c’est le moment d’en profiter pour faire telle ou telle chose.Donc, dans le fond, le vendredi fou, qu’est-ce qu’il fait ?Il nous mobilise en fait, il nous dit c’est le temps de commencer à acheter, c’est le lancement du temps des fêtes, en fait c’est le réveil de novembre.Quand on est en novembre, on est un peu endormi, il fait froid, c’est un peu déprimant.Là c’est l’appel du clairon, ça sonne et puis ça dit allez-y, allez dans les magasins, c’est le temps d’y aller.Donc, le reste du monde a constaté qu’aux États-Unis, ça marchait bien, c’était bon pour le commerce.Alors, même si ce n’est pas relié à Thanksgiving et puis si c’est bon, on va faire la même chose.
00:21:19Qu’est-ce qui fait en sorte qu’on arrive à faire de l’argent, même si on offre des rabais importants au niveau des commerces?
00:21:26C’est parce qu’il y a plusieurs choses.D’abord, les rabais importants, c’est des rabais qui sont faits par les détaillants et par les fabricants.Donc, chacun diminue leur marge.Mais c’est aussi le fameux principe vraiment de base du prix d’appel.Donc, le prix d’appel, c’est quelque chose qui est à vendre, qui n’est vraiment pas cher.et qui attire les gens en magasin, sur lequel le magasin peut éventuellement faire de la perte, mais après on va acheter d’autres choses.Donc les magasins peuvent perdre ou gagner pas beaucoup d’argent là-dessus, mais du coup on va acheter autre chose, et puis on va gagner plus d’argent, et surtout sur l’ensemble, ça donne l’impression qu’on fait des bonnes affaires, donc il y a aussi un effet d’image.Donc il y a plusieurs bonnes raisons de faire ces réductions-là.
00:22:03Donc, c’est comme un coup publicitaire pour le magasin.
00:22:06Exactement.Et puis, c’est un coup aussi pour l’inconscient collectif.C’est de se dire, il y a quelque chose d’extraordinaire à faire dans les magasins.Il y a quelque chose d’extraordinaire.Donc, il y a quelque chose de magique qui vient nous chercher et qui fait que ça devient irrésistible.
00:22:19Qu’est-ce qui se passe dans notre cerveau de consommateur?Parce que je suis un homme de 46 ans et malgré tout, je sens cette fièvre quand même atteindre mon existence.Pourtant, j’ai de l’expérience.Qu’est-ce qui fait en sorte que ça fonctionne?
00:22:33C’est quelque chose qui, vraiment, c’est irrésistible parce que c’est comme si ça va êtretout chercher, tout ce qui détermine nos comportements de consommation.Il y a la pulsion, la réflexion et l’imitation.Je m’explique.Toute l’année, au niveau de la pulsion, toute l’année, qu’est-ce qu’on fait la plupart du temps ?C’est qu’on se retient des achats.La plupart des choses qu’on voit qu’on veut acheter, on ne les achète pas.Donc, on se retient toute l’année.Et puis là, le vendredi fou, c’est le moment de se lâcher, si vous voulez.Il y a quelque chose d’irrésistible.On a tellement envie.Après, il y a la réflexion, c’est-à-dire c’est l’aspect rationnel.Donc, on se demande, est-ce que c’est une bonne affaire ?Mais oui, c’est des bonnes affaires parce qu’il y a vraiment des réductions importantes et puis c’est vraiment les vrais prix.Donc, les affaires sont réelles.Donc, il y a la réflexion et finalement, il y a l’imitation.Si les autres le font, là…c’est qu’il y a une bonne raison de le faire.Donc, je veux faire comme les autres.Je ne veux pas rater quelque chose.C’est la peur de rater quelque chose.Donc, en même temps, j’ai la pulsion.J’ai envie de le faire.Je réfléchis.Je me dis que c’est une bonne affaire.Et tout le monde le fait.C’est irrésistible.
00:23:33Autour de la table, est-ce que vous avez cette pulsion du vendredi fou parfois?
00:23:37Moi, je suis impulsif à l’année.Donc, un vendredi fou, c’est comme d’habitude.
00:23:41M. Boulian, vous avez à vous contrôler.Oui, c’est ça.Par Antoine, vous?
00:23:46Moi, je trouve que c’est irrésistible de au moins regarder les rabais.C’est pas certain que je vais acheter, mais je vais au moins regarder.Des fois, je suis d’accord.
00:23:54Vous avez comme une gourmandise de consommateur de lèche-vitrine.
00:23:58Oui, un bon lèche.
00:23:59Mais c’est beaucoup sur Internet aussi.C’est moins la vraie vitrine que les rabais en ligne.
00:24:05Ça s’étire, cette affaire-là, jusqu’au Cyber Monday.Est-ce que ça influence dans la tête du consommateur que ça dure quatre jours?
00:24:11En fait, l’idée, c’est qu’on veut créer un sentiment d’urgence.Évidemment, on en profite.Donc, on rajoute quelques journées parce qu’une seule journée, c’est peut-être pas suffisant.Donc, on rajoute un petit peu.Mais ce qui est un peu paradoxal, c’est qu’on veut créer un sentiment d’urgence.Mais là, on étire un peu la période.Donc, si on étire la période, on peut diminuer un peu le sentiment d’urgence.Mais…on augmente la période de folie.C’est un peu un compromis entre étirer la période pour que les gens chèdent longtemps et puis pas trop l’étirer pour que le sentiment d’urgence demeure.
00:24:41Il y a des tentatives de résistance.Le fondateur du magazine AdBudster, né en Colombie-Britannique, avait proposé le Buy Nothing Day ou la journée sans achat.Est-ce que ça fonctionne ou c’est simplement un petit acte de tentative de résistance?
00:24:57Malheureusement, ça ne fonctionne pas beaucoup.On voit chaque année, on voit toujours des records et ça fonctionne quand même toujours très bien.C’est parce que la journée sans achat, on est dans l’ordre de la réflexion.Alors que le vendredi four, on est dans l’ordre plus de la pulsion ou de deux autres éléments, mais surtout de la pulsion, c’est-à-dire que…D’un côté, la journée sans achat, on veut un peu aller chercher notre côté éthique, un peu les aspects lumineux, si vous voulez, de la nature humaine.Dans le Vendredi fou, on va chercher les intérêts, les intérêts égoïstes et peut-être plus les aspects sombres de la nature humaine.Et donc, en la matière, c’est comme s’il y avait deux forces qui nous tirent, une force plus éthique, une force plus sombre.Et souvent, c’est le côté sombre de la force qui gagne.Donc, c’est irrésistible.
00:25:44M. Damien Hallegatte, professeur de marketing au département des sciences économiques et administratives de l’Université du Québec à Choukoutimi.Et aussi, vous êtes auteur de l’essai Le piège de la société de consommation.Merci beaucoup.Au plaisir.Aux auditeurs, quel est votre rapport avec Le Vendredi fou?Êtes-vous comme Paul-Antoine, des lèches-vitrines, ou comme M. Boulliane, vous êtes en contention de vos propres pulsions de consommation?En contention?Oui.Écrivez-nous dans la bulle de conversation ».








