8 trucs pour consommer heureux

LaveusesComment se rendre heureux en dépensant son argent? Voici huit trucs, issus de dizaines de recherches en psychologie du consommateur (1).

1. Se payer des expériences plutôt que des objets.

Mieux vaut partir en voyage, se payer un restaurant, aller au cinéma qu’acheter une voiture, un réfrigérateur ou un téléviseur. Contrairement aux objets, les expériences sont uniques, généralement partagées avec les autres et difficiles à comparer avec celles du voisin. En plus, le simple fait d’y penser nous rend heureux.

(Plus de détails sur ce point dans Changer de voiture ou partir en voyage?)

2. Se payer plusieurs petits plaisirs plutôt qu’un gros.

Mieux vaut aller faire du ski chaque fin de semaine dans une petite montagne à côté de chez soi qu’une semaine par année dans une grande station de ski. La fréquence des plaisirs est plus importante que l’intensité des plaisirs. D’ailleurs, mieux vaut être en couple que célibataire avec des rencontres occasionnelles.

(Plus de détails sur ce point dans Petit clown)

3. Payer maintenant (à soi-même), acheter plus tard.

Anticiper un achat est une source de bonheur gratuite, dont il ne faut pas se priver. Il se peut même que le plaisir de savourer à l’avance soit supérieur au plaisir de l’achat et de l’utilisation lui-même. En effet, dans notre tête, tout peut être parfait.

4. Ne pas se payer de garantie prolongée ou d’assurance superflue.

Acheter une garantie prolongée, c’est acheter la « paix d’esprit », mais cela fait diminuer notre tolérance à l’incertitude et à la déception, donc augmenter notre anxiété. En effet, moins on expérimente le bris d’objets non assurés, plus on pense que cela pourrait nous pourrir la vie. C’est comme être pris dans un banc de neige et dégainer sa carte CAA : ça rend l’homme moins viril.

5. Ne pas trop magasiner.

Quand nous comparons des produits, notre attention est portée sur ce qui distingue les produits, et non sur ce qui est important pour nous. Par exemple, je magasine une maison. La première a un foyer, la deuxième un spa, et la troisième ni l’un ni l’autre. Si elles ont toutes quatre chambres et deux salles de bain, qu’elles sont en bon état et situées dans le même quartier, peut-être faudrait-il prendre la moins chère, c’est-à-dire ne pas payer (tout de suite) pour des extras.

6. Observer les autres.

Parmi les gens que l’on connaît et qui ont un spa ou une piscine, combien sont vraiment heureux avec? Demander directement, c’est obtenir une réponse qui ne vaut rien. Chercher habilement à le savoir est un meilleur moyen de prévoir si ces objets nous rendront davantage heureux que de poser des questions à un vendeur.

7. Dépenser pour les autres.

Notre bonheur dépend en grande partie de la qualité de nos relations avec les autres, et faire un cadeau à quelqu’un a un effet positif sur la relation. Mais le cadeau devrait être une expérience plutôt qu’un objet (voir le point 1). Nous devrions aussi donner nos objets usagés plutôt que d’essayer de les vendre, et faire des dons à des œuvres de charité.

8. Penser à ce à quoi on ne pense pas.

Chaque fois que le désir d’acheter un chalet s’empare de soi, on devrait penser à ce à quoi on ne pense pas d’habitude avant de faire un tel achat : « dépenses imprévues, durée des trajets, moustiques, vandalisme animal, vol, gel, visite « qui colle », pas d’amis pour les enfants (ou, a contrario, amis qui collent), etc. Sans compter les occasions de faire de vrais voyages fortement réduites » (2).

(1) Dunn, Elizabeth W., Daniel T. Gilbert et Timothy D. Wilson. 2011. « If money doesn’t make you happy, then you probably aren’t spending it right ». Journal of Consumer Psychology, vol. 21, no 2, p. 115-125. doi : 10.1016/j.jcps.2011.02.002

(2) Le bonheur d’acheter moins (Dans ce billet, je propose d’autres trucs, issus de mon expérience et non de la science.)

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Plus heureux en Mercedes qu’en Chevrolet?

Étoile MercedesQuelle est la différence entre rouler en Chevrolet et rouler en Mercedes, lorsque l’on se rend au travail, qu’on va faire l’épicerie, qu’on est en retard ou qu’on est pris dans un banc de neige? Fondamentalement, il n’y en a pas. En fait, dans la vie quotidienne, on n’a pas plus de plaisir à conduire une voiture de luxe qu’une voiture ordinaire (1).

Pourtant, ceux qui ont une voiture ordinaire pensent qu’ils auraient plus de plaisir à conduire une voiture de luxe. Pourquoi? Parce qu’ils n’ont pas eu l’occasion d’être déçus au volant d’une Mercedes? Non. Ceux qui ont la chance de posséder une voiture de luxe affirment avoir généralement plus de plaisir à conduire que ceux qui se contentent d’une voiture ordinaire…

Alors pourquoi est-on persuadé d’avoir plus de plaisir avec un véhicule de luxe, même si ce n’est pas le cas? En fait, cela dépend où se porte notre attention : sur la voiture ou sur l’expérience de conduite de la voiture. Si je porte mon attention sur la voiture, j’aurai plus de plaisir avec une voiture de luxe. Si je porte mon attention sur l’expérience de conduite, mon plaisir dépendra de beaucoup d’autres choses : de la circulation routière, de la météo, de la raison et des circonstances de mon déplacement, etc.

Or, dans la vie quotidienne, notre attention se porte naturellement sur l’expérience, sur toutes ces choses qui la rendent plus ou moins agréable, et pas principalement sur le véhicule que l’on conduit.

Il y a tout de même un cas où le plaisir de conduire une voiture de luxe est supérieur à celui d’une voiture ordinaire. C’est lorsque l’on roule « juste pour le plaisir ». Parce que, dans ce cas, l’attention se porte sur la voiture elle-même. La question à se poser est donc : à quelle fréquence je roule « juste pour le plaisir » et est-ce que cela vaut la différence de prix?

Mais, même sachant cela, le risque est grand de se laisser tenter par le luxe. Pourquoi? Parce que lorsque l’on magasine des voitures, et surtout lorsque l’on effectue un essai routier, l’attention se porte sur… la voiture! Alors le plaisir sera certainement plus grand lors de l’essai d’une voiture de luxe. C’est un sentiment réel et viscéral, qui a un poids important dans la décision d’achat.

Bien sûr, on n’achète pas une voiture de luxe seulement pour le plaisir de conduire. C’est sûr que l’on est plus hot dans une Mercedes que dans une Chevrolet. Mais on n’est pas plus heureux.

(1) Schwarz, Norbert, et Jing Xu. 2011. « Why don’t we learn from poor choices? The consistency of expectation, choice, and memory clouds the lessons of experience ». Journal of Consumer Psychology, vol. 21, no 2, p. 142-145. doi: 10.1016/j.jcps.2011.02.006

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Désirer ou posséder?

PiscineLes matérialistes pensent qu’acquérir des objets les rend heureux. Eh bien, ils n’ont pas tout à fait tort! En effet, ils ressentent des émotions positives avant l’achat, en pensant à l’objet convoité (1). Mais celles-ci déclinent rapidement ensuite. Ils doivent donc se remettre rapidement à la recherche d’autre chose à acheter.

De plus, les matérialistes ressentent des peurs et des inquiétudes relatives à leurs achats, plus que les autres. Cela n’est pas étonnant, sachant que les objets occupent une place importante dans leur vie, par définition. Aussi, ils sont davantage susceptibles d’être insatisfaits des produits qu’ils achètent, puisque leurs attentes sont élevées. En fait, ils s’attendent que l’achat d’objets transforme leur vie.

Une autre chose est bien dommage pour les matérialistes. Les émotions négatives qu’ils ressentent persistent après l’achat, contrairement aux émotions positives.

Mais, plus fondamentalement, peut-être que désirer un objet est plus gratifiant en soi que le posséder. Savourer quelque chose par anticipation procure un réel plaisir, et le vivre réellement peut être décevant. Tant que ça reste dans notre cerveau, on a le loisir de s’imaginer ce que l’on veut.

Gandhi avait compris cela, lui qui partageait son lit avec des jeunes femmes sans avoir de relations sexuelles, pour démontrer sa résistance. Peut-être tentait-il de sublimer son désir sexuel dans la spiritualité. Bravo.

Nous, simples consommateurs ordinaires, pourrions tenter de vivre nos désirs sans les refouler, mais sans passer à l’acte. Par exemple, on peut prendre des articles dans un magasin, s’imaginer quelques minutes qu’ils sont à nous et les reposer ensuite.

Plus simplement, il suffit de magasiner en ligne, de choisir plein d’articles et de faire tout le processus d’achat, jusqu’à entrer son numéro de carte de crédit (en faisant une erreur volontaire).

Si ça ne marche pas, voici une autre idée : acheter effectivement un produit, ne pas le déballer rendu à la maison, le regarder du coin de l’œil pendant plusieurs jours, le narguer (« Tu penses que j’ai vraiment besoin de toi? ») et finalement le rapporter au magasin. Dans la consommation, le coït interrompu, ça ne compte pas.

À vrai dire, la solution ultime à tous nos problèmes de consommation, c’est la consommation imaginaire. On peut, par exemple, conduire des voitures de luxe, se baigner dans une immense piscine creusée, faire un tour de yacht, et ce, dans son cerveau. Mais ça, c’est comme l’homéopathie : ça marche si on y croit.

(1) Richins, Marsha L. 2013. « When Wanting Is Better than Having: Materialism, Transformation Expectations, and Product-Evoked Emotions in the Purchase Process ». Journal of Consumer Research, vol. 40, no 1, p. 1-18. doi : 10.1086/669256

Photo : Doug [CC BY-NC-ND] via flickr

Petit clown

ClownÀ moins d’être riche, dépenser son argent demande de faire des choix. Il faut donc prévoir ce qui nous rendra le plus heureux. Pas facile…

Certes, il vaut mieux partir en voyage que changer de voiture. C’est-à-dire qu’il est préférable de se payer une expérience que d’acquérir un objet. En effet, la mémoire d’une expérience est unique, difficilement comparable avec celle de son voisin, et peut même s’embellir avec le temps. Tout le contraire d’un objet.

Mais il reste encore beaucoup de choix. La question à se poser est la suivante : Vaut-il mieux s’offrir quelques expériences extraordinaires ou beaucoup d’expériences ordinaires? Faire un grand voyage ou plusieurs petits voyages? Cela dépendrait de l’âge (1). Les expériences extraordinaires rendent les jeunes plus heureux, mais pas les vieux.

En général, les jeunes sont à la recherche d’excitation et de stimulation. De plus, comme ils perçoivent le temps qu’il leur reste à vivre comme très étendu, ils ont tendance à s’engager dans des activités qui les préparent à leur futur. Ils vont donc davantage rechercher des expériences extraordinaires, qui contribuent à leur « CV expérientiel » et qui les aident à construire leur identité pour le futur.

En revanche, les vieux sont généralement à la recherche de calme et de stimulation moindre. De plus, comme ils perçoivent le temps qu’il leur reste à vivre comme limité, ils ont tendance à s’engager dans des activités qui sont satisfaisantes dans le présent. Ils vont donc davantage savourer les expériences ordinaires, qui leur permettent de définir qui ils sont actuellement.

En fait, plus on vieillit, plus on utilise le temps avec soin. Apprendre à savourer les petits plaisirs du quotidien, c’est apprendre à utiliser son temps libre intelligemment. D’un point de vue de vieux.

Évidemment, l’âge de la vieillesse varie beaucoup d’une personne à l’autre. On peut devenir vieux jeune ou rester jeune vieux.

De leur côté, les jeunes pensent qu’ils auront amplement le temps plus tard de profiter des petites choses du quotidien. Ils sont donc moins intéressés à regarder des films de répertoire ou à cueillir des champignons.

Vu de cette manière, si tu te payes un voyage dans l’espace pour tes 50 ans, c’est une preuve d’immaturité. Surtout si tu te mets un nez de clown.

(1) Bhattacharjee, Amit, et Cassie Mogilner (2014), « Happiness from Ordinary and Extraordinary Experiences », Journal of Consumer Research, 41 (1), 1-17. doi : 10.1086/674724

Photo : 4rank [CC BY-NC 2.0] via flickr

Porsche ou REER?

Paon

Le samedi soir, à Montréal, sur le boulevard Saint-Laurent ou la rue Crescent, des hommes se pavanent. Chacun veut montrer qu’il a la plus belle et la plus grosse voiture. C’est bien connu, les femmes sont attirées par les riches.

Dans les rues de Manille, de Paris ou d’Alger, les hommes adoptent un comportement similaire. Ainsi, la consommation ostentatoire de produits de luxe peut être interprétée comme une stratégie reproductive, d’origine évolutionnaire et non culturelle. D’ailleurs, ce type de comportement est courant dans le règne animal. Par exemple, chez les paons, chacun veut montrer qu’il a la plus belle et la plus grosse queue.

Les femmes sont tout aussi stratégiques que les hommes. Mais la stratégie reproductive féminine s’inscrit sur le long terme, puisque leur éventuel investissement parental demeure plus élevé que celui des hommes, ne serait-ce que biologiquement, durant la grossesse. C’est pour cela qu’en général, elles sont plus sélectives dans le choix de partenaires que leurs congénères masculins.

En fait, la voiture de luxe et la queue de paon sont des « signaux coûteux » : inutiles, voire nuisibles, ils montrent que leur propriétaire a le luxe de gaspiller des ressources, qu’elles soient financières ou métaboliques, respectivement.

Le problème est que la stratégie masculine se révèle paradoxale. L’étalage de produits de luxe envoie un message de mauvaise utilisation de ressources financières abondantes. En effet, dans une logique reproductive, madame préférera que monsieur achète des REER plutôt qu’une Porsche.

En fait, les hommes envoient un message plus subtil que les paons lorsqu’ils se pavanent (1). Les hommes ont davantage tendance à adopter un comportement de consommation ostentatoire, comme se promener en Porsche le samedi soir devant des entrées de bar, lorsqu’ils recherchent des relations à court terme plutôt qu’une relation à long terme. Cette stratégie apparaît efficace, puisque les femmes semblent décoder le message.

Dit autrement, les femmes qui recherchent une relation à court terme avec des bénéfices immédiats, comme passer du bon temps, faire des sorties, voire recevoir des cadeaux, sont susceptibles d’être attirées par les hommes-paons. Mais les femmes qui recherchent une relation à long terme le seront moins. Il semble que le gaspillage ne soit attirant qu’à court terme.

Moralité : mon gars, si tu cherches la femme de ta vie, range ta Porsche et sors ton relevé de REER.

Mieux : vends ta Porsche pour « booster » ton REER. Et non l’inverse.

(1) Sundie, Jill M., Douglas T. Kenrick, Vladas Griskevicius, Joshua M. Tybur, Kathleen D. Vohs et Daniel J. Beal (2011), « Peacocks, Porsches, and Thorstein Veblen: Conspicuous consumption as a sexual signaling system », Journal of Personality and Social Psychology, 100 (4), 664-680. doi: 10.1037/a0021669

Photo : Tambako The Jaguar [CC BY-ND 2.0] via flickr

Le bonheur d’acheter moins

Micro-ondesSi magasiner est un plaisir, c’est qu’on a raté sa vie. Par conséquent, pour acheter moins, il faut réussir sa vie. Comme cela n’entre pas dans le thème de ce blogue, on va se limiter aux soins palliatifs. Partons du principe que la consommation est une activité d’occupation du temps libre, sur laquelle nous avons un contrôle relativement élevé.

Le premier truc est de se soustraire le plus possible à la tentation : regarder peu la télévision, couper le son pendant les publicités (ou enregistrer les émissions) et bien entendu fréquenter le moins souvent possible les magasins. Pour y parvenir, il faut occuper son temps libre par autre chose que le magasinage : des activités sociales, sportives ou artistiques. Ou faire l’amour.

Un autre truc fort efficace est de reporter l’achat de l’objet convoité. Ce n’est pas toujours facile, puisque les techniques de marchandisage ont comme objectif de créer un sentiment d’urgence : rabais incroyable, stock de marchandise limité, etc. Pourquoi? Parce que l’on sait qu’un achat reporté a une probabilité non négligeable de ne jamais se produire.

Il est aussi fort utile de réaliser à quel point nous sommes conditionnés à penser en termes d’achat pour répondre à un besoin ou un problème. Le cas le plus évident est celui de l’objet brisé. Or, on peut essayer de le réparer, de le tolérer même s’il n’est pas parfaitement fonctionnel ou, mieux, d’essayer de s’en passer. Le consommateur occidental sous-estime sa capacité à s’adapter à l’inconfort.

J’ai tenté d’appliquer cette idée récemment lorsque le four micro-onde familial a rendu l’âme, c’est-à-dire de ne pas en racheter. Mais l’intellectuel semi-socialement fonctionnel que je suis s’est rapidement fait « péter sa balloune » par le reste de la famille.

Une autre méthode extrêmement efficace, quoique réservée à l’élite des consommateurs, est la consommation imaginaire. Avec beaucoup d’entraînement, ça fonctionne. Par exemple, j’ai conduit toutes sortes de voitures de luxe dans mon réseau neuronique, exempt de nid-de-poule, de cônes orange et de limite de vitesse. Un bonheur total.

En revanche, une méthode qui peut se révéler inefficace est de se fixer un budget pour un achat spécifique. Cela peut avoir l’effet pervers d’augmenter l’attractivité des produits se situant en dessus de la limite fixée et finalement d’augmenter la dépense (1). La nature humaine étant ce qu’elle est, on veut mordre dans le produit défendu.

Finalement, une dernière idée efficace est de penser à ce à quoi on ne pense habituellement pas avant de faire un achat (2). Prenons l’exemple de l’acquisition d’une résidence secondaire. Toutes sortes de coûts financiers et non financiers peuvent transformer un des grands rêves de la société de consommation en quotidien désagréable : dépenses imprévues, durée des trajets, moustiques, vandalisme animal, vol, gel, visite « qui colle », pas d’amis pour les enfants (ou, a contrario, amis qui collent), etc. Sans compter les occasions de faire de vrais voyages fortement réduites.

En fait, le bonheur au quotidien se situerait davantage dans les activités de la journée que dans les conditions de vie générale (y compris avoir un travail très stable). Or, on aurait tendance à voir le futur de manière globale et non en détail. Dit autrement, on est incapable de prévoir correctement le plaisir que va nous apporter un achat. Certes, on peut dire la même chose de faire l’amour. Mais ça ne fait nullement augmenter notre endettement. À moins que… Dans ce cas, il est suggéré de relire ce billet, puisque tous les trucs s’appliquent.

(1) Larson, Jeffrey S., et Ryan Hamilton. 2012. «When Budgeting Backfires: How Self-Imposed Price Restraints Can Increase Spending». Journal of Marketing Research, vol. 49, no 2, p. 218-230. doi: 10.1509/jmr.10.0508

(2) Dunn, Elizabeth W., Daniel T. Gilbert et Timothy D. Wilson. 2011. «If money doesn’t make you happy, then you probably aren’t spending it right». Journal of Consumer Psychology,  vol. 21, no 2, p. 115-125. doi: 10.1016/j.jcps.2011.02.002

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Changer de voiture ou partir en voyage ?

Voisin gonflableL’utilisation de son revenu discrétionnaire engendre souvent des dilemmes. Par exemple, changer de voiture ou partir en voyage? Pour que l’argent fasse le bonheur, il faut partir en voyage. La psychologie sociale nous enseigne en effet qu’il vaut mieux payer pour des services que pour des produits.

La raison principale est que l’expérience subjective du voyage est incomparable avec celle de mon voisin (1). Peut-être est-il allé plus loin, plus longtemps, dans des plus beaux hôtels. Mais l’essentiel du voyage se situe dans les découvertes, les péripéties, les personnes rencontrées, les expériences vécues. Et cela n’est pas proportionnel à la dépense.

En revanche, lorsque mon voisin gonflable aura acheté sa prochaine voiture dans quelques mois, la mienne paraîtra moins belle. La comparaison sera brutale, sans échappatoire.

Mieux : il y a de fortes chances que mon voyage s’embellisse dans ma mémoire. On se rappelle des meilleurs moments, et les problèmes vécus deviennent souvent des histoires à raconter.

De son côté, ma nouvelle voiture dépérira inéluctablement. Très rapidement, elle ne sera plus nouvelle. Et quand l’euphorie des débuts se dissipe, les défauts deviennent apparents… En outre, son usage a peu de chances de produire des histoires intéressantes. Pour cela, au contraire, mieux vaut un bazou!

Par ailleurs, lorsque que j’achète un service, il y a moins de risques que je rumine relativement aux options non choisies. Si j’apprends, après coup, qu’il y avait un meilleur restaurant au même prix, cela me décevra moins que si j’apprends qu’il y avait un meilleur gadget électronique au même prix.

Ajoutons que, pendant l’expérience du restaurant, si la nourriture est décevante, on peut se concentrer sur des objectifs supérieurs, comme avoir une belle conversation, et on pourra rire de l’expérience ensuite. Mais si j’ai fait un mauvais choix dans l’acquisition d’un produit, il sera toujours là pour me le rappeler. Y’a pas de quoi rigoler.

Une autre caractéristique de l’achat de produit rend la chose peu propice au bonheur : on a tendance à rechercher le meilleur produit, alors que l’on recherche habituellement un service simplement satisfaisant. Or, rechercher le meilleur produit augmente l’implication psychologique du consommateur dans la prise de décision, et donc le risque d’inconfort (doute, regret…). Clairement ici, le mieux est l’ennemi du bien.

Finalement, j’échangerais bien ma voiture contre celle de l’un de mes voisins. En revanche, je ne pourrais pas – et je ne voudrais pas – échanger mon expérience contre celle de mon voisin. J’y suis attaché, ça fait partie de moi. Au même titre qu’on n’échangerait pas son enfant accro aux jeux vidéo et médiocre à l’école contre le violoniste et premier de classe du voisin.

Le plaisir issu de l’expérience du voyage est intrinsèque, alors que le plaisir issu de la possession d’une automobile est comparatif.

Les objets divisent les gens. Les expériences rapprochent les gens.

(1) Carter, Travis J. et Thomas Gilovich (2010), « The Relative Relativity of Material and Experiential Purchases, » Journal of Personality & Social Psychology, 98 (1), 146-59. doi: 10.1037/a0017145

Photo : Mark Nye [CC BY-NC-ND 2.0] via flickr