Les matérialistes pensent qu’acquérir des objets les rend heureux. Eh bien, ils n’ont pas tout à fait tort! En effet, ils ressentent des émotions positives avant l’achat, en pensant à l’objet convoité (1). Mais celles-ci déclinent rapidement ensuite. Ils doivent donc se remettre rapidement à la recherche d’autre chose à acheter.
De plus, les matérialistes ressentent des peurs et des inquiétudes relatives à leurs achats, plus que les autres. Cela n’est pas étonnant, sachant que les objets occupent une place importante dans leur vie, par définition. Aussi, ils sont davantage susceptibles d’être insatisfaits des produits qu’ils achètent, puisque leurs attentes sont élevées. En fait, ils s’attendent que l’achat d’objets transforme leur vie.
Une autre chose est bien dommage pour les matérialistes. Les émotions négatives qu’ils ressentent persistent après l’achat, contrairement aux émotions positives.
Mais, plus fondamentalement, peut-être que désirer un objet est plus gratifiant en soi que le posséder. Savourer quelque chose par anticipation procure un réel plaisir, et le vivre réellement peut être décevant. Tant que ça reste dans notre cerveau, on a le loisir de s’imaginer ce que l’on veut.
Gandhi avait compris cela, lui qui partageait son lit avec des jeunes femmes sans avoir de relations sexuelles, pour démontrer sa résistance. Peut-être tentait-il de sublimer son désir sexuel dans la spiritualité. Bravo.
Nous, simples consommateurs ordinaires, pourrions tenter de vivre nos désirs sans les refouler, mais sans passer à l’acte. Par exemple, on peut prendre des articles dans un magasin, s’imaginer quelques minutes qu’ils sont à nous et les reposer ensuite.
Plus simplement, il suffit de magasiner en ligne, de choisir plein d’articles et de faire tout le processus d’achat, jusqu’à entrer son numéro de carte de crédit (en faisant une erreur volontaire).
Si ça ne marche pas, voici une autre idée : acheter effectivement un produit, ne pas le déballer rendu à la maison, le regarder du coin de l’œil pendant plusieurs jours, le narguer (« Tu penses que j’ai vraiment besoin de toi? ») et finalement le rapporter au magasin. Dans la consommation, le coït interrompu, ça ne compte pas.
À vrai dire, la solution ultime à tous nos problèmes de consommation, c’est la consommation imaginaire. On peut, par exemple, conduire des voitures de luxe, se baigner dans une immense piscine creusée, faire un tour de yacht, et ce, dans son cerveau. Mais ça, c’est comme l’homéopathie : ça marche si on y croit.
(1) Richins, Marsha L. 2013. « When Wanting Is Better than Having: Materialism, Transformation Expectations, and Product-Evoked Emotions in the Purchase Process ». Journal of Consumer Research, vol. 40, no 1, p. 1-18. doi : 10.1086/669256
Photo : Doug [CC BY-NC-ND] via flickr