Le pouvoir du vendeur de Louis Vuitton

Quand je suis allée chez Louis Vuitton […], les vendeuses était tellement [froides]. Je ne pouvais pas le croire. J’étais habillée normalement […] et, quand je suis entrée, elles ont arrêté de parler et me dévisageaient.
(Extrait de conversation d’un forum de discussion)

Prada MarfaIl est probablement arrivé à tout le monde de se faire regarder de haut par des vendeurs dans un magasin. Il semble d’ailleurs que jauger rapidement les clients soit pratique courante dans certaines boutiques de vêtements haut de gamme. Par exemple, un ancien employé chez Yves Saint Laurent a avoué que, « si les accessoires (montre et chaussures) ne sont pas coûteux, le client ne mérite même pas un simple bonjour » (1).

Mais, contrairement à ce que l’on pourrait penser, une telle expérience de magasinage est susceptible d’augmenter l’attrait de la marque représentée par le vendeur désagréable (2). En effet, dans notre société de consommation, nous avons tous plus ou moins envie d’acquérir des objets de marques de luxe. Cela donne l’impression d’appartenir à une classe privilégiée de la société. Comme ce désir peut être profond, se sentir rejeté par un groupe auquel on souhaite appartenir est susceptible de faire augmenter son attrait.

Il apparaît donc que, encore après l’adolescence, le besoin d’appartenir à des groupes hot reste présent, même s’il faut souffrir pour cela. Si ce besoin n’est pas comblé au travail ou dans d’autres activités sociales, les produits de consommation peuvent faire office de succédanés.

Bien entendu, il faut que la marque représente quelque chose de hautement valorisé pour que le rejet augmente l’attractivité de la marque. Un vendeur méprisant d’une boutique Gap n’obtiendra pas le même résultat. De plus, l’effet est éphémère et risque de devenir négatif. Il n’est donc suggéré à aucun vendeur d’essayer la technique.

D’un point de vue pragmatique, il est pertinent qu’un vendeur mette moins d’effort sur un client qui paraît moins intéressant. C’est la logique économique. Mais, n’en déplaise aux économistes, les vendeurs sont des humains, même lorsqu’ils travaillent. Comme leur travail est parfois difficile, ce n’est pas étonnant qu’ils se vengent à l’occasion. Dans un restaurant, ils crachent dans la nourriture; dans un magasin de vêtements haut de gamme, ils prennent un air condescendant, voire méprisant.

Un des grands mensonges de la société de consommation est de faire croire au client qu’il est le roi. En réalité, les vendeurs ont du pouvoir et ils l’utilisent.

(1) Wilson, Eric (2009). “Economy Adjusts Store Relations on Madison Avenue,” New York Times, www.nytimes.com/2009/02/18/style/18iht-18shopping.20274101.html

(2) Ward, Morgan K., et Darren W. Dahl (2014). “Should the Devil Sell Prada? Retail Rejection Increases Aspiring Consumers’ Desire for the Brand.” Journal of Consumer Research, vol. 41, no 3, p. 590-609. doi : 10.1086/676980

Photo : Marshall Astor [CC BY-SA 4.0] via flickr

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