Si magasiner est un plaisir, c’est qu’on a raté sa vie. Par conséquent, pour acheter moins, il faut réussir sa vie. Comme cela n’entre pas dans le thème de ce blogue, on va se limiter aux soins palliatifs. Partons du principe que la consommation est une activité d’occupation du temps libre, sur laquelle nous avons un contrôle relativement élevé.
Le premier truc est de se soustraire le plus possible à la tentation : regarder peu la télévision, couper le son pendant les publicités (ou enregistrer les émissions) et bien entendu fréquenter le moins souvent possible les magasins. Pour y parvenir, il faut occuper son temps libre par autre chose que le magasinage : des activités sociales, sportives ou artistiques. Ou faire l’amour.
Un autre truc fort efficace est de reporter l’achat de l’objet convoité. Ce n’est pas toujours facile, puisque les techniques de marchandisage ont comme objectif de créer un sentiment d’urgence : rabais incroyable, stock de marchandise limité, etc. Pourquoi? Parce que l’on sait qu’un achat reporté a une probabilité non négligeable de ne jamais se produire.
Il est aussi fort utile de réaliser à quel point nous sommes conditionnés à penser en termes d’achat pour répondre à un besoin ou un problème. Le cas le plus évident est celui de l’objet brisé. Or, on peut essayer de le réparer, de le tolérer même s’il n’est pas parfaitement fonctionnel ou, mieux, d’essayer de s’en passer. Le consommateur occidental sous-estime sa capacité à s’adapter à l’inconfort.
J’ai tenté d’appliquer cette idée récemment lorsque le four micro-onde familial a rendu l’âme, c’est-à-dire de ne pas en racheter. Mais l’intellectuel semi-socialement fonctionnel que je suis s’est rapidement fait « péter sa balloune » par le reste de la famille.
Une autre méthode extrêmement efficace, quoique réservée à l’élite des consommateurs, est la consommation imaginaire. Avec beaucoup d’entraînement, ça fonctionne. Par exemple, j’ai conduit toutes sortes de voitures de luxe dans mon réseau neuronique, exempt de nid-de-poule, de cônes orange et de limite de vitesse. Un bonheur total.
En revanche, une méthode qui peut se révéler inefficace est de se fixer un budget pour un achat spécifique. Cela peut avoir l’effet pervers d’augmenter l’attractivité des produits se situant en dessus de la limite fixée et finalement d’augmenter la dépense (1). La nature humaine étant ce qu’elle est, on veut mordre dans le produit défendu.
Finalement, une dernière idée efficace est de penser à ce à quoi on ne pense habituellement pas avant de faire un achat (2). Prenons l’exemple de l’acquisition d’une résidence secondaire. Toutes sortes de coûts financiers et non financiers peuvent transformer un des grands rêves de la société de consommation en quotidien désagréable : dépenses imprévues, durée des trajets, moustiques, vandalisme animal, vol, gel, visite « qui colle », pas d’amis pour les enfants (ou, a contrario, amis qui collent), etc. Sans compter les occasions de faire de vrais voyages fortement réduites.
En fait, le bonheur au quotidien se situerait davantage dans les activités de la journée que dans les conditions de vie générale (y compris avoir un travail très stable). Or, on aurait tendance à voir le futur de manière globale et non en détail. Dit autrement, on est incapable de prévoir correctement le plaisir que va nous apporter un achat. Certes, on peut dire la même chose de faire l’amour. Mais ça ne fait nullement augmenter notre endettement. À moins que… Dans ce cas, il est suggéré de relire ce billet, puisque tous les trucs s’appliquent.
(1) Larson, Jeffrey S., et Ryan Hamilton. 2012. «When Budgeting Backfires: How Self-Imposed Price Restraints Can Increase Spending». Journal of Marketing Research, vol. 49, no 2, p. 218-230. doi: 10.1509/jmr.10.0508
(2) Dunn, Elizabeth W., Daniel T. Gilbert et Timothy D. Wilson. 2011. «If money doesn’t make you happy, then you probably aren’t spending it right». Journal of Consumer Psychology, vol. 21, no 2, p. 115-125. doi: 10.1016/j.jcps.2011.02.002
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