Nous sommes tous persuadés d’avoir l’entière liberté de choisir ce que nous achetons et n’achetons pas. Mais cette liberté marchande est peut-être une illusion, c’est-à-dire, d’un point de vue psychanalytique, « un fantasme qui trahit des désirs plus profonds et compense les déceptions que nous inflige la société de consommation » (1).
Dit autrement, la croyance en la liberté de choix consommateuriste est similaire à une religion. C’est une croyance profonde, qu’aucun argument rationnel ne peut ébranler, par définition. Sa fonction première est d’ordre thérapeutique. Ne redoublons-nous pas d’ardeur à la pratiquer lorsque ça va mal? Elle a aussi une fonction narcissique, c’est-à-dire que bien la pratiquer nous élève au-dessus des autres. A contrario, mal la pratiquer est une faute morale (choisir des produits mauvais pour la santé ou non écologiques, la pratiquer de manière fanatique et faire sauter son compte de carte de crédit…).
Comme toute croyance, la croyance en la liberté de choix n’est pas basée sur des faits et des raisonnements. Elle est issue d’un désir, celui d’avoir le contrôle sur sa vie. Sur ce point, elle se différencie des croyances des trois grandes religions monothéistes, qui n’assouvissent que le désir de comprendre ce qui échappe à la science.
Dans notre société de consommation, choisir telle voiture, tel vêtement ou telle bouteille de vin permet de se choisir une identité. Si je n’ai choisi ni mon sexe, ni ma couleur de peau, ni ma langue maternelle, j’ai au moins choisi le téléphone que je caresse.
Ainsi, si nous désirons si profondément croire en la liberté de choix, c’est que, selon les principes de la société de consommation, il s’agit d’une liberté de choix d’identité.
Mais est-ce si important, l’identité individuelle? Est-ce que l’on rêve d’identité? Il semble plutôt que la société de consommation ait érigé le principe de forgeage de son identité (par la consommation) comme fin en soi, indispensable à une bonne vie. Elle exploite à outrance le concept d’identité pour arriver à ses fins. Comme la religion catholique qui exploite outrageusement le sentiment de culpabilité.
Il reste juste à espérer que la société de consommation finisse par payer un prix aussi élevé que la religion catholique pour ses abus. Mais c’est peu probable.
En effet, comme l’opium, la croyance dans la liberté de choix est son propre antidote. Si je me rends compte que j’ai fait un mauvais choix de consommation, la simple idée d’être libre de choisir mon prochain achat me rend heureux.
Photo : Roger Price [CC BY-NC-SA 2.0] via flickr
(1) Gabriel, Yiannis. 2015. « Identity, choice and consumer freedom – the new opiates? A psychoanalytic interrogation ». Marketing Theory, vol. 15, no 1, p. 25-30. doi : 10.1177/1470593114558525