Le pouvoir des consommateurs

Petit pouletLe 21e siècle est l’âge d’or du consommateur. Grâce à Internet, nous disposons d’un pouvoir sans précédent de comparer d’innombrables offres, et d’exprimer notre satisfaction et notre insatisfaction. Nous oublions que le marketing a simultanément raffiné ses techniques en traquant, modélisant et ciblant tout le monde tout le temps. Mais au moins avons-nous gagné l’impression d’avoir plus de pouvoir face aux producteurs.

Donner plus de pouvoir au consommateur ne déplaît aux entreprises privées. En fait, l’éducation des consommateurs constitue leur réponse de choix aux grands problèmes de société créés par le marché. Obésité? Endettement? Jeu compulsif? Il suffit d’éduquer les consommateurs à s’empiffrer raisonnablement.

Si cette réponse éducative réduit les problèmes sociaux à des problèmes de choix sur un marché, la notion même de pouvoir du consommateur est réduite au pouvoir de choisir entre des produits sur un marché (1).

Or, un consommateur qui dispose d’un réel pouvoir devrait être en mesure de choisir entre les solutions offertes par le marché et d’autres en dehors de celui-ci. Mais on pense rarement en ces termes, tant le libre marché est bienveillant envers nous. Le marché semble répondre à tous les besoins et ne fait pas de discrimination politique et encore moins de jugement moral. L’écologiste bobo peut s’acheter une Toyota Prius; le pseudo-écolo, un mastodonte de VUS hybride; et l’écolo nanti, une Porsche Panamera hybride.

Mais, s’il n’y a pas une offre de transport en commun pratique, fiable et sûre, si le réseau cyclable et piétonnier est déficient ou encombré, le consommateur dispose d’un pouvoir limité de choix dans ses déplacements. Pour augmenter son pouvoir, il devrait s’engager en politique.

Or, il est plus facile de choisir un produit sur un marché que de s’engager en politique.

Néanmoins, le consommateur n’est pas crétin et sent bien que l’idée selon laquelle le marché est l’institution par excellence pour assurer le bon fonctionnement de la société est une idée fallacieuse. Son envie de s’engager en politique demeure, fusse-t-elle velléitaire.

Heureusement, le marché répond à tous nos besoins, y compris l’envie d’engagement politique ou, euphémisme, d’engagement citoyen. Il offre beaucoup plus que des produits. Il se fend en quatre pour nous donner l’impression que nos achats améliorent la société. En soutenant de nobles causes, les entreprises privées nous dispensent d’avoir un engagement citoyen. Par exemple, il plus facile de fréquenter les rôtisseries St-Hubert que de défendre les droits des animaux (des poulets, disons).

Le marché est un lieu magique, la seule grande institution qui permet de faire une bonne action en assouvissant ses pulsions. Mieux, il nous donne un réel pouvoir, c’est-à-dire la possibilité de modifier des choses en notre faveur. Mais il s’agit seulement de modifier des produits ou des services. Pour le reste, il faut s’engager en politique.

Photo : Racineur [CC BY-NC-ND 2.0] via flickr

McShane, Lindsay et Sabadoz, Cameron (2015). Rethinking the concept of consumer empowerment: recognizing consumers as citizens. International Journal of Consumer Studies, 39(5), 544-551. doi: 10.1111/ijcs.12186

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