La carte de crédit : douleur et plaisir

MenottesOn a tendance à dépenser davantage lorsque l’on paye avec une carte de crédit, plutôt qu’avec de l’argent comptant. En effet, contrairement au sadomasochisme, le « cartedecréditisme » sépare la douleur (le paiement) du plaisir (l’achat). C’est probablement pour cela que le deuxième est beaucoup plus populaire que le premier.

Grâce à la carte de crédit, non seulement on paye plus tard, mais on ne paye plus un produit, on paye sa carte (n’utilise-t-on pas l’expression « je dois payer ma carte » ?). Cette détestable obligation de payer ne gâche pas le plaisir de consommer. Et le compte de la carte devient le bouc émissaire de nos frustrations financières.

En revanche, lorsque l’on paye comptant, la douleur de payer est concomitante au plaisir d’acheter, qui en est d’autant diminué.

La carte de crédit est donc diabolique : non seulement c’est une facilité de paiement, qui permet par exemple de faire face à une urgence, mais elle augmente le plaisir d’acheter, en supprimant momentanément la douleur du paiement.

Avec le temps, l’effet diabolique se renforce. Plus on utilise la carte de crédit, plus on a tendance à associer son utilisation avec de la gratification immédiate. Entre l’achat et la réception du compte de la carte, on profite du produit gratuitement. Ensuite, c’est le banquier qui paye.

C’est sûr que l’on doit finir par payer sa carte. Par contre, l’effort de paiement devient un problème en soi, considérablement dissocié de sa cause, l’achat.

Mais une étude récente a montré que la carte de crédit est encore plus diabolique que cela (1). Il apparaît que le simple fait de penser aux cartes de crédit attire l’attention du consommateur sur les bénéfices du produit. En revanche, penser à de l’argent comptant attire l’attention du consommateur sur les coûts associés au produit. Dit autrement, la carte de crédit provoque une distorsion dans l’évaluation du produit.

Donc, lorsque l’on évalue le coût d’un produit par rapport à ses bénéfices, si on prévoit payer avec une carte de crédit, on a tendance à percevoir davantage les bénéfices, et moins les coûts. Par conséquent, la valeur du produit augmente à nos yeux (puisque valeurbénéfices – coûts), et on est davantage incité à acheter que si l’on prévoit payer comptant.

Il faudrait donc payer comptant le plus souvent possible, si on veut diminuer sa consommation et son endettement. En effet, sortir des billets de banque de son portefeuille pour payer un montant substantiel, ça fait mal.

Cependant, on y prend goût.

(1) Chatterjee, Promothesh, et Randall L. Rose. 2012. « Do Payment Mechanisms Change the Way Consumers Perceive Products? » Journal of Consumer Research, vol. 38, no 6, p. 1129-1139. doi : 10.1086/661730

Photo : Rubén Díaz [CC BY-NC-SA 2.0] via flickr

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